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Page:Vladimir Soloviev - La Russie et l Eglise Universelle, Stock, 1922.djvu/76

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sans crainte dans la boue, il aida vigoureusement le paysan à tirer sa charrette de l’ornière.

Lorsque, la besogne terminée, saint Nicolas rejoignit son compagnon, il était tout couvert de fange et sa chlamyde salie et déchirée ressemblait à un vêtement de pauvre. Grande fut la surprise de saint Pierre lorsqu’il le vit arriver en cet état à la porte du Paradis.

— Eh ! qui t’a arrangé de cette façon ? lui demanda-t-il.

Saint Nicolas raconta le fait.

— Et toi, demanda saint Pierre à saint Cassien, n’étais-tu pas avec lui dans cette rencontre ?

— Oui, mais je n’ai pas l’habitude de me mêler de ce qui ne me regarde pas et avant tout j’ai songé à ne pas ternir la blancheur immaculée de ma chlamyde.

— Eh bien, dit saint Pierre, toi, saint Nicolas, pour ne pas avoir eu peur de te salir en tirant de peine ton prochain, tu sera fêté dorénavant deux fois chaque année et tu seras considéré comme le plus grand des saints après moi par tous les paysans de la sainte Russie. Et toi, saint Cassien, contente-toi du plaisir d’avoir une chlamyde immaculée : tu n’auras ta fête que les années bissextiles — une fois tous les quatre ans.

On peut bien pardonner à saint Cassien son aversion pour le travail manuel et pour la boue des