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Page:Vladimir Soloviev - La Russie et l Eglise Universelle, Stock, 1922.djvu/77

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grands chemins. Mais il aurait absolument tort s’il voulait condamner son compagnon pour avoir compris autrement que lui les devoirs des saints envers l’humanité. Nous aimons bien l’habit pur et splendide de saint Cassien, mais puisque notre chariot est encore au beau milieu de la boue, c’est surtout de saint Nicolas que nous avons besoin, de ce saint intrépide toujours prêt à se mettre à l’œuvre pour nous secourir.

L’Église occidentale, fidèle à la mission apostolique, n’a pas craint de s’enfoncer dans la fange de la vie historique. Ayant été pendant de longs siècles le seul élément d’ordre moral et de culture intellectuelle parmi les populations barbares de l’Europe, elle a pris sur elle toute la tâche du gouvernement matériel aussi bien que de l’éducation spirituelle de ces peuples à l’esprit indépendant et aux instincts farouches. En se vouant à ce dur travail, la Papauté, comme le saint Nicolas de la légende, pensait moins à sa propreté apparente qu’aux besoins réels de l’humanité. L’Église Orientale, de son côté, avec son ascétisme solitaire et son mysticisme contemplatif, avec son éloignement de la politique et de tous les problèmes sociaux qui intéressent l’humanité entière, désirait avant tout, comme saint Cassien, arriver au paradis sans une seule tache sur sa chlamyde. Là, on voulait employer les forces divines et humaines à un but universel ; ici, il ne s’agissait que de garder