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Page:Vladimir Soloviev - La Russie et l Eglise Universelle, Stock, 1922.djvu/85

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un État puissant ? La réponse provisoire donnée par le grand empereur à cette question fut, que la Russie doit aller à l’école des peuples civilisés de l’Occident pour s’assimiler leur science et leur culture. C’était, en effet, tout ce qu’il nous fallait pour le moment. Mais cette solution si simple et si claire devenait de plus en plus insuffisante à mesure que la jeune société russe avançait d’une classe à l’école européenne : il s’agissait de savoir désormais ce qu’elle aurait à faire après ses années d’apprentissage. La réforme de Pierre le Grand introduisait la Russie dans l’arsenal européen pour lui apprendre à manier tous les instruments de la civilisation, mais elle était indifférente aux principes et aux idées d’ordre supérieur qui déterminaient l’application de ces instruments. Ainsi cette réforme, en nous donnant les moyens de nous affirmer, ne révélait pas le but définitif de notre existence nationale. Si l’on avait raison de demander : Que doit faire la Russie barbare ? et si Pierre a bien répondu en disant : Elle doit être réformée et civilisée, — on n’a pas moins raison de demander : Que doit faire la Russie réformée par Pierre le Grand et ses successeurs, quel est le but de la Russie actuelle ?

Les slavophiles ont eu le mérite de comprendre toute la portée de ce problème, quoiqu’ils n’aient rien pu faire pour le résoudre. Par réaction contre cette poésie vague et stérile du panslavisme, des patriotes plus prosaïques ont affirmé de nos jours