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Page:Vogüé - Cœurs russes, 1893.djvu/139

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peut mettre en balance des phrases creuses avec la poignante réalité des douleurs physiques. Chaque matin, quand le cri d’un blessé me réveille en sursaut, je sens la vie remonter sur moi comme une roue de fer, je fais dans mon lit un geste instinctif pour l’écarter.

Si cela devait finir par la folie, mieux vaudrait prévenir ce moment. D’ailleurs le spectacle auquel j’assiste depuis des mois m’a enseigné le peu de prix de l’existence. Dans le cours ordinaire des choses, quand on rencontre de loin en loin la mort, elle paraît un phénomène extraordinaire, repoussant ; mais quand on voit tout le jour la vie des hommes s’écouler comme une eau vaine, on a parfois la tentation de se joindre au torrent, pauvre petite goutte insignifiante qu’on est !

Dernièrement, je causais avec un jeune médecin sur ce sujet. Nous étions d’accord pour