Page:Vogüé - Cœurs russes, 1893.djvu/155

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âme, pour une redevance insignifiante. Balmakof montrait, à l’appui de ses dires, des papiers officiels couverts de cachets mystérieux et de signatures illisibles. J’essayai vainement de faire entendre la voix de la raison à mes pauvres villageois : je leur dis ce que valaient les papiers officiels de Balmakof, je leur développai, en le mettant à leur portée, l’apologue du chien qui lâche la proie pour l’ombre. On ne réfuta pas mes arguments, on se contenta de hocher la tête en clignant des yeux d’une façon qui voulait dire : Le seigneur entend nous garder pour son profit, pas si bêtes !

Mon adversaire avait conquis les imaginations, mes raisonnements étaient battus d’avance. On vendit en hâte le grain déjà semé et le pauvre mobilier, on entassa les hardes, les ustensiles de ménage sur les petites charrettes ; à courts intervalles, par groupes