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Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome17.djvu/445

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ART DRAMATIQUE.

Ils sont ensevelis sous la masse pesante
Des monts qu’ils entassaient pour attaquer les cieux.
Nous avons vu tomber leur chef audacieux
Sous une montagne brûlante :
Jupiter l’a contraint de vomir à nos yeux
Les restes enflammés de sa rage mourante ;
Jupiter est victorieux,
Et tout cède à l’effort de sa main foudroyante.
Goûtons dans ces aimables lieux
Les douceurs d’une paix charmante.

L’avocat Brossette a beau dire, l’ode sur la prise de Namur, « avec ses monceaux de piques, de corps morts, de rocs, de briques », est aussi mauvaise que ces vers de Quinault sont bien faits. Le sévère auteur de l’Art poétique, si supérieur dans son seul genre, devait être plus juste envers un homme supérieur aussi dans le sien : homme d’ailleurs aimable dans la société, homme qui n’offensa jamais personne, et qui humilia Boileau en ne lui répondant point.

Enfin le quatrième acte de Roland et toute la tragédie d’Armide furent des chefs-d’œuvre de la part du poète ; et le récitatif du musicien sembla même en approcher. Ce fut pour l’Arioste et pour le Tasse, dont ces deux opéras sont tirés, le plus bel hommage qu’on leur ait jamais rendu.

Du récitatif de Lulli.

Il faut savoir que cette mélodie était alors à peu près celle de l’Italie. Les amateurs ont encore quelques motets de Carissimi, qui sont précisément dans ce goût. Telle est cette espèce de cantate latine, qui fut, si je ne me trompe, composée par le cardinal Delphini :

Sunt breves mundi rosæ,
Sunt fugitivi flores ;
Frondes veluti annosæ,
Sunt labiles honores.
Velocissimo cursu
Fluunt anni ;
Sicut celeres venti,
Sicut sagittæ rapidæ,
Fugiunt, evolant, ovanescunt.
Nil durat æternum sub cœlo.
Rapit omnia rigida sors ;
Implacabili, funesto telo
Ferit omnia livida mors.