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Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome17.djvu/482

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ATHÉISME.

point là du tout l’état de la question. Pour que le premier portier ressemble aux athées, il ne faut pas qu’il dise : « Mon maître n’est point ici ; » il faudrait qu’il dît : « Je n’ai point de maître ; celui que vous prétendez mon maître n’existe point ; mon camarade est un sot, qui vous dit que Monsieur est occupé à composer des poisons et à aiguiser des poignards pour assassiner ceux qui ont exécuté ses volontés. » Un tel être n’existe point dans le monde.

Richeome a donc fort mal raisonné ; et Bayle, dans ses discours un peu diffus, s’est oublié jusqu’à faire à Richeome l’honneur de le commenter fort mal à propos.

Plutarque semble s’exprimer bien mieux en préférant les gens qui assurent qu’il n’y a point de Plutarque à ceux qui prétendent que Plutarque est un homme insociable. Que lui importe en effet qu’on dise qu’il n’est pas au monde ? mais il lui importe beaucoup qu’on ne flétrisse pas sa réputation. Il n’en est pas ainsi de l’Être suprême.

Plutarque n’entame pas encore le véritable objet qu’il faut traiter. Il ne s’agit pas de savoir qui offense le plus l’Être suprême, de celui qui le nie, ou de celui qui le défigure : il est impossible de savoir, autrement que par la révélation, si Dieu est offensé des vains discours que les hommes tiennent de lui.

Les philosophes, sans y penser, tombent presque toujours dans les idées du vulgaire, en supposant que Dieu est jaloux de sa gloire, qu’il est colère, qu’il aime la vengeance, et en prenant des figures de rhétorique pour des idées réelles. L’objet intéressant pour l’univers entier est de savoir s’il ne vaut pas mieux, pour le bien de tous les hommes, admettre un Dieu rémunérateur et vengeur, qui récompense les bonnes actions cachées et qui punit les crimes secrets, que de n’en admettre aucun.

Bayle s’épuise à rapporter toutes les infamies que la fable impute aux dieux de l’antiquité ; ses adversaires lui répondent par des lieux communs qui ne signifient rien : les partisans de Bayle et ses ennemis ont presque toujours combattu sans se rencontrer. Ils conviennent tous que Jupiter était un adultère, Vénus une impudique. Mercure un fripon ; mais ce n’est pas, à ce qu’il me semble, ce qu’il fallait considérer : on devait distinguer les Métamorphoses d’Ovide de la religion des anciens Romains. Il est très-certain qu’il n’y a jamais eu de temple ni chez eux, ni même chez les Grecs, dédié à Mercure le fripon, à Vénus l’impudique, à Jupiter l’adultère.

Le dieu que les Romains appelaient Deus optimus, maximus, très-bon, très-grand, n’était pas censé encourager Clodius à cou-