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Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome33.djvu/498

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CORRESPONDANCE.

Dans ces moments où l’on s’oublie,
Peut prendre cette liberté,
Sans choquer la civilité
De notre nation polie.

Quelque bégueule respectable trouvera peut-être, madame, ces derniers vers un peu forts ; mais vous, qui êtes respectable sans être bégueule, vous me les pardonnerez.


463. — DE M. LE CARDINAL ALBÉRONI[1].
À Rome, le 10 février 1735.

Il m’est arrivé assez tard, monsieur, la connaissance de la Vie que vous avez écrite du feu roi de Suède. Je dois vous rendre bien des grâces pour ce qui me regarde. Votre prévention et votre penchant pour ma personne vous ont porté assez loin, puisqu’avec votre style sublime vous avez dit plus en deux mots de moi que ce qu’a dit Pline de Trajan dans son panégyrique. Heureux les princes qui auront le bonheur de vous intéresser dans leurs faits ! votre plume suffit pour les rendre immortels. À mon égard, monsieur, je vous proteste les sentiments de la plus parfaite reconnaissance, et je vous assure, monsieur, que personne au monde ne vous aime, ne vous estime et respecte plus que le cardinal Albéroni.


464. — À M. DESFORGES-MAILLARD.
À Vassy, en Champagne, le… février.

Dona puer solvit, quæ femina voverat, Iphis.

(Ovid., Met. IX, v. 193.)

Votre changement de sexe, monsieur[2], n’a rien altéré de mon estime pour vous. La plaisanterie que vous avez faite est un des bons tours dont on se soit avisé, et cela serait auprès de moi un grand mérite. Mais vous en avez d’autres que celui d’attraper le monde ; vous avez celui de plaire, soit en homme, soit en femme. Vous êtes actuellement sur les bords du Lignon, et de nymphe de la mer vous voilà devenu berger d’Astrée. Si ce pays-là vous inspire quelques vers, je vous prie de m’en faire part ; pour

  1. La réponse à cette lettre est sous le n° 492. Le cardinal Albéroni, mort en 1752, était disgracié depuis plus de onze ans lorsque Voltaire imprima ce qu’on lit au livre VIII de l’Histoire de Charles XII. Voyez tome XVI, page 339.
  2. En 1730, ce poète breton avait adressé des vers à Voltaire sous un nom de femme, Mlle de Malcrais. Voltaire avait été dupe du déguisement, et avait répliqué par une épître. Voyez, tome X, page 274, l’Épître à une dame ou soi-disant telle.