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Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome36.djvu/120

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Je me rappelle, à ce propos, le conte que l’on fait d’un curé à qui un paysan parlait du Seigneur-Dieu avec une vénération idiote : Allez, allez, lui dit le bon presbyte, vous en imaginez plus qu’il n’y en a ; moi, qui le fais et qui le vends par douzaines, j’en connais la valeur intrinsèque.

On se fait ordinairement dans le monde une idée superstitieuse des grandes révolutions des empires mais, lorsqu’on est dans les coulisses, l’on voit, pour la plupart du temps, que les scènes les plus magiques sont mues par des ressorts communs, et par de vils faquins qui, s’ils se montraient dans leur état naturel, ne s’attireraient que l’indignation du public.

La supercherie, la mauvaise foi et la duplicité, sont malheureusement le caractère dominant de la plupart des hommes[1] qui sont à la tête des nations, et qui en devraient être l’exemple. C’est une chose bien humiliante que l’étude du cœur humain dans de pareils sujets elle me fait regretter mille fois ma chère retraite, les arts, mes amis, et mon indépendance.

Adieu, cher Voltaire ; peut-être retrouverai-je un jour tout ce qui est perdu pour moi à présent. Je suis, avec tous les sentiments que vous pouvez imaginer, votre fidèle ami,

Fédéric.

1493. — À M. DE MAIRAN[2].
Février.

Je comptais, mon cher monsieur, avoir l’honneur de vous rendre moi-même l’inscription que vous avez bien voulu me confier ; mais on ne dispose pas de son temps comme on voudrait. Mon premier devoir et mon premier plaisir, dès que j’aurai fini les bagatelles qui m’accablent, sera de profiter des moments d’audience que vous voudrez bien donner à l’homme du monde qui vous a le plus estimé, et qui vous aime le plus véritablement.


1494. À M. LE COMTE D’ARGENTAL[3].
Ce dimanche, à 3 heures, … mars.

Mme du Châtelet n’a point été à Versailles. M. de Breteuil[4] était à Paris d’hier à trois heures, et en apoplexie, sans qu’on

  1. Le marquis de Valori dit, tome Ier, page 263 de ses Mémoires, en parlant de Frédéric II : « Le défaut particulier de son caractère est de mépriser les hommes. Il croit qu’un homme vertueux et éclairé est un être de raison… Il parle contre les vices avec une éloquence à surprendre mais il est si peu conséquent, et si peu pénétré de ce qu’il dit, que ses propos démentent, un quart d’heure après, ce qu’il vient d’avancer. »
  2. Éditeurs, de Cayrol et François. — Voltaire était de retour à Paris.
  3. Éditeurs, de Cayrol et François.
  4. Ministre de la guerre.