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Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome36.djvu/231

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pacifique, qu’on ne doit pourtant pas appeler le parti français. Il ne m’appartient pas d’avoir une opinion sur ces matières ; j’en laisse le jugement ici à monsieur l’ambassadeur et à M. de La Ville[1], dont les lumières et l’expérience sont trop supéréieures à mes faibles conjectures. Je n’ai ici d’autre avantage que celui de mettre les partis différents et les ministres étrangers à portée de me parler librement. Je me borne et me bornerai toujours à vous rendre un compte simple et fidèle.

Mais, comme il paraît nécessaire que le roi de Prusse ait une opinion très-avantageuse des forces et des résolutions vigoureuses de la France, j’ose vous supplier de m’envoyer quelques couleurs avec lesquelles je puisse faire un tableau qui le frappe, quand je lui ferai ma cour à Spa ; et je vous en prie d’autant plus que je suis certain que le tableau lui plaira beaucoup. La France est une maîtresse qu’il a quittée, mais qu’il aime et qu’il souhaite passionnément de voir embellie. M. Trévor m’a demandé aujourd’hui, en confidence, si je croyais que la maison de Lorraine eut un grand parti en Lorraine.


1597. — À M. LE MARQUIS D’ARGENSON,
à paris.
À la Haye, au palais du roi de Prusse,
le 8 août.

Soyez chancelier de France, monsieur, si vous voulez que j’y revienne ; rendez-nous la gloire des lettres, quand nous perdons celles des armes. Les hommes sont faits originairement, ce me semble, pour penser, pour s’instruire, et non pour se tuer. Faut-il que la guerre ne soit pas encore la seule persécution que les arts essuient ! Je gémis de voir ce pauvre abbé Lenglet enfermé, à soixante-dix ans[2], dans la Bastille, après nous avoir donné une bonne Méthode pour étudier l’histoire, et d’excellentes Tables chronologiques.

Qui sont donc les vandales qui se sont imaginé que l’impression du sixième volume des additions à l’histoire de ce bon citoyen le président de Thou était un crime d’État ? Quel comble de barbarie, et quel excès de petitesse de ne pas permettre qu’on

  1. Voyez une note sur la lettre 1360.
  2. Lisez soixante-huit, comme dans le troisième alinéa de la lettre 1569. Lenglet avait soixante-huit ans et demi quand on le mit à la Bastille, le 28 mars 1743, pour la troisième fois.