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Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome36.djvu/244

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comme Palatin, Hesse, Wurtemberg, Cologne et Stettin, fournissent un contingent à l’empereur.

— Sire, lui dis-je, demandez-leur seulement leur signature, et commencez par faire paraître vos braves Prussiens. Je ne veux point recommencer la guerre, dit-il mais j’avoue que je serais flatté d’être le pacificateur de l’empire, et d’humilier un peu le roi d’Angleterre, qui veut donner la loi à l’Allemagne.

— Vous le pouvez, lui dis-je ; il ne vous manque plus que cette gloire, et j’espère que la France tiendra la paix de son épée et de vos négociations ; la vigueur qu’elle fera paraître augmentera sans doute votre bonne volonté. Permettez-moi de vous demander ce que vous feriez si le roi de France requérait votre secours, en vertu de votre traité avec lui.

— Je serais obligé, dit-il, de m’excuser, et de répondre que ce traité est annulé par celui que j’ai fait depuis avec la reine de Hongrie ; je ne peux à présent servir l’empereur et le roi de France qu’en négociant.

— Négociez donc, sire, aussi heureusement que vous avez combattu, et souffrez que je vous dise, avec toute la terre, que la reine de Hongrie n’attend que le moment favorable d’attaquer la Silésie. »

Alors il parla ainsi « Mes quatre places seront achevées avant que l’Autriche puisse envoyer contre moi deux régiments ; j’ai cent cinquante mille combattants, j’en aurai alors deux cent mille. Je me flatte que ma discipline militaire, que je tiens la meilleure de l’Europe, triomphera toujours des troupes hongroises. Si la reine de Hongrie veut reprendre la Silésie, elle me forcera de lui enlever la Bohême. Je ne crains rien de la Russie : la czarine m’est à jamais dévouée depuis la dernière conspiration fomentée par Botta[1] et par les Anglais. Je lui conseille d’envoyer le jeune Ivan et sa mère en Sibérie, aussi bien que mon beau-frères[2], dont j’ai toujours été mécontent, et qui n’a jamais été gouverné que par des Autrichiens. »

Le roi allait poursuivre ; on est venu l’avertir que la musique était prête ; je l’y ai suivi, il m’a fait plus d’accueil que jamais.

  1. Antoine, marquis de Botta Adorno, mort en 1745. Il venait d’être renvoyé de Berlin, où il était ambassadeur de la reine de Hongrie, après avoir rempli les mêmes fonctions à Pétersbourg. Convaincu d’avoir pris une part active à la révolution qui tendait à remettre le jeune Ivan sur le trône, il fut sacrifié par Marie-Thérèse à la czarine Élisabeth. (Cl.)
  2. Antoine-Ulric de Brunswick-Bevern.