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Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome36.djvu/255

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1614. — À M. LE COMTE DE PODEWILS.
envoyé du roit de prusse, à la haye.
Le 3 octobre[1].

Lorsque d’un feu charmant votre muse échauffée
Chez les Vestphaliens rimait des vers si beaux,
Cher ami, j’ai cru voir Orphée,
Qui chantait dans la Thrace, entouré d’animaux.

Pour moi, mon adorable ministre, j’ai suivi à Baireuth l’Orphée couronné ; j’y ai vu une cour où tous les plaisirs de la société et tous les goûts de l’esprit sont rassemblés. Nous y avons eu des opéras, des comédies, des chasses, des soupers délicieux. Ne faut-il pas être possédé du malin pour s’exterminer sur le Danube ou sur le Rhin, au lieu de couler ainsi doucement sa vie ? Je compte repasser incessamment par le pays dont vous faites les délices : ce n’est pas mon plus court, mais je ferais un détour de cinq cents lieues pour venir vous embrasser, pour jouir encore quelques jours de votre aimable commerce, et pour vous jurer un attachement éternel. Votre monseigneur Cresseni[2]8 a donc donné partout des bénédictions, au lieu d’argent, dans les auberges ?

Il ne faut pas que l’on s’étonne
De ce beau tour italien :
Car dans les cabarets où l’on ne trouve rien
Quel argent voulez-vous qu’on donne ?

J’ai eu l’honneur de souper hier avec le roi et avec monsieur votre oncle.


1615. — À M. AMELOT,
ministre des affaires étrangères[3].
Le 5 octobre.

Monseigneur, ce que vous mande M. de Valori, touchant la conduite du roi de Prusse à mon égard, n’est que trop vrai.

  1. Jusqu’à ce jour cette lettre était datée de la Haye, ce 30 octobre. Les mots à la Haye indiquaient sur la copie la résidence de Podewils, et non le lieu d’où écrivait Voltaire. La date du 30 est une autre faute. Voltaire, dans sa dernière phrase, dit avoir soupé hier avec le roi. La lettre doit donc être du commencement d’octobre. J’ai pensé que le zéro était une addition du copiste ou de l’imprimeur, et, en le retranchant, j’ai transposé la lettre. ( B.)
  2. Je présume que l’on doit lire ici Crescenzi ou Crescentii. C’était le nom du nonce du pape à Paris, en 1743. (Cl.)
  3. Lettre écrite en chiffres.