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Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome36.djvu/271

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1629. — À FRÉDÉRIC II, ROI DE PRUSSE.
À Lille, ce 16 novembre 1743.

Est-il vrai que, dans votre cour,
Vous avez placé, cet automne,
Dans les meubles de la couronne,
La peau de ce fameux tambour[1]1
Que Zisca fit de sa personne ?

La peau d’un grand homme enterré
D’ordinaire est bien peu de chose ;
Et, malgré son apothéose,
Par les vers il est dévoré.

Du destin de la tombe noire
Le seul Zisca fut préservé ;
Grâce à son tambour conservé,
Sa reau dure autant que sa gloire.

C’est un sort assez singulier.
Ah ! chetifs mortels que nous sommes !
Pour sauver la peau des grands hommes,
Il faut la faire corroyer.

Ô mon roi ! conservez la vôtre ;
Car le bon Dieu, qui vous la fit,
Ne saurait vous en faire une autre
Dans laquelle il mit tant d’esprit.

Il n’est pas infiniment respectueux de pousser un grand roi de questions ; mais on en usait ainsi avec Salomon, et il faut bien, sire, que le Salomon du Nord s’accoutume à éclairer son monde.

Sa Majesté me permettra donc que j’ose lui demander encore ce que c’est qu’un arc trouvé à Glatz[2]. Votre Majesté me dira peut-être qu’il faut m’adresser à Jordan ; mais ce Jordan, sire, est un paresseux, tout aimable qu’il est, et vous avez plutôt réglé quatre ou cinq provinces, et fait deux cents vers et quatre mille doubles croches, qu’il n’a écrit une lettre.

J’arrive à Lille, qui est une ville dans le goût de Berlin, mais

  1. Les débris de ce tambour se trouvent au musée de Berlin, dans la section des curiosités historiques (Kunstkammer). Voyez tome XII, page 6 ; XIII, 441.
  2. C’était l’arc de Valasca, ancienne princesse paienne du comté de Glatz.