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Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome36.djvu/32

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le prince jette son manteau de philosophe et prend l’épée dès qu’il voit une province à sa bienséance.

Puis fiez-vous à la philosophie[1] !

Il n’y a que la philosophe Mme du Châtelet dont je ne me défie pas. Celle-là est constante dans ses principes, et plus fidèle encore à ses amis qu’à Leibnitz.

À propos, monsieur le conseiller, vous saurez que cette philosophe a gagné un préliminaire de son procès, fort important, et qui paraissait désespéré. Son courage et son esprit l’ont bien aidée. Enfin je crois que nous sortirons heureusement du labyrinthe de la chicane où nous sommes.

Mais vous, que faites-vous ? où êtes-vous ?

Quae circumvolitas agilis thyma ?

(Hor., lib. I, ep. iii, v. 21.)

Mandez un peu de vos nouvelles au plus ancien et au meilleur de vos amis. Bonjour, mon très-cher Cideville. Mme du Châtelet vous fait mille compliments.


1420. À M. THIERIOT.
Bruxelles, 13 mars.

J’allais vous écrire, lorsque je reçois votre lettre du 9. Votre santé me paraît toujours aussi faible que la mienne ; mais avec ces deux mots abstine et sustine, nous ne laissons pas de vivre. Après votre santé, c’est votre pension qui m’intéresse. Il est vrai qu’elle est de douze cents livres ; mais comme j’ai toujours espéré que Sa Majesté l’augmenterait, je ne vous ai jamais accusé la somme. La Silésie fait grand tort à la reine de Hongrie et à vous ; mais vous aurez certainement votre pension, et je serai fort étonné si l’héritière des Césars reprend sa Silésie. Il me semble que voici l’époque fatale de la maison d’Autriche, et super vestem suam miserunt sortem[2].

M. de Maupertuis m’a mandé qu’il pourrait faire un voyage. Je crois que Dumolard reviendra aussi.

Je ne doute pas que le roi de Prusse, en vous payant votre

  1. C’est à peu près le vers 107 du chant X de la Pucelle.
  2. Psaume xxi, 19 ; et Jean, xix, 24.