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Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome36.djvu/346

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1696. — DE VAUVENARGUES.
À Aix, ce 27 janvier 1745.

Je n’aurais pas été longtemps fâché, monsieur, que mes papiers eussent vu le jour, s’ils ne l’avaient dû qu’à l’estime que vous en faisiez ; mais puisqu’ils paraissaient sans votre aveu et avec les défauts que vous leur connaissez, il vaut beaucoup mieux, sans doute, qu’ils soient encore à notre disposition. Je ne regrette que la peine qu’on vous a donnée pour une si grande bagatelle[1].

Mon rhume continue toujours avec la fièvre, et d’autres incommodités qui m’affaiblissent et m’épuisent. Tous les maux m’assiégent. Je voudrais les souffrir avec patience, mais cela est bien difficile. Si je puis mériter, monsieur, que vous m’accordiez une amitié bien sincère, j’espère qu’elle me sera grandement utile, et fera, tant que je vivrai, ma consolation et ma force.

Vauvenargues.

1697. — À M. DE CIDEVILLE.
À Versailles, le 31 janvier.

Mon aimable ami, je suis un barbare qui n’écris point, ou qui n’écris qu’en vile prose ; vos vers font mon plaisir et ma confusion. Mais ne plaindrez-vous pas un pauvre diable qui est bouffon du roi à cinquante ans, et qui est plus embarrassé avec les musiciens, les décorateurs, les comédiens, les comédiennes, les chanteurs, les danseurs, que ne le seront les huit ou neuf électeurs pour se faire un césar allemand ? Je cours de Paris à Versailles, je fais des vers en chaise de poste. Il faut louer le roi hautement, madame la dauphine finement, la famille royale doucement, contenter la cour, ne pas déplaire à la ville.


Ô qu’il est plus doux mille fois
De consacrer son harmonie
À la tendre amitié dont le saint nœud nous lie !
Qu’il vaut mieux obéir aux lois
De son cœur et de son génie
Que de travailler pour des rois !

Bonjour, mon cher et ancien ami ; je cours à Paris pour une répétition, je reviens pour une décoration. Je vous attends

  1. La lettre à laquelle Vauvenargues répond manque au recueil. Dans cette lettre, qui avait dû se croiser en route avec la précédente, Voltaire lui annonçait sans doute qu’il était temps encore d’arrêter la publication des Réflexions critiques. (G.)