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Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome36.djvu/437

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1802. À M. DE MONCRIF[1].
À Paris, le 7 avril.

J’ai reçu, mon très-sage et très-aimable ami, le paquet que vous m’avez envoyé. Je vous remercie bien davantage de votre conversation avec le Père Perrusseau[2] ; il est d’une compagnie à laquelle je dois mon éducation, et le peu que je sais. Il n’y a guère de jésuites qui ne sachent que je leur suis attaché dès mon enfance. Les jansénistes peuvent n’être pas mes amis ; mais assurément les jésuites doivent m’aimer, et ils manqueraient à ce qu’ils doivent à la mémoire du Père Porée, qui me regardait comme son fils, s’ils n’avaient pas pour moi un peu d’amitié. Le pape, en dernier lieu, a chargé M. le bailli de Tencin de me faire des compliments de la part de Sa Sainteté, et de m’assurer de sa protection et de sa bienveillance. Je me flatte que les bontés

    apporté de nouveaux enseignements, tandis que je n’ai pu en acquérir à Florence ni à Pise. Elle parle notre langue avec la plus élégante finesse, et moi, je ne puis qu’à grand’peine m’exprimer en italien. J’ai un amour malheureux pour votre langue et pour votre patrie. J’ai cherché à alléger un peu le chagrin que je ressens de n’avoir jamais voyagé au delà des Alpes, en écrivant un Essai en italien. Je la prie de recevoir avec sa bienveillance accoutumée ces feuillets, et je me flatte encore qu’elle aura la bonté d’en présenter des exemplaires aux académies florentines, desquelles je n’espère point d’applaudissements, mais une favorable indulgence. J’ai l’honneur d’être son collègue à l’Institut de Bologne et à la Société de Londres. Mais si un nouveau titre d’honneur, un nouveau lien pouvait me naturaliser Italien, une telle consolation diminuerait mon éternel regret de n’avoir pas vu l’antique patrie et le berceau des sciences. Je m’en remets entièrement à sa noble courtoisie.


    Il y a ici une autre petite affaire sur laquelle je supplie Votre illustre Seigneurie de me donner ses avis et ses instructions. On discute sur l’excommunication que certains évêques et certains curés fulminent contre les comédiens du roi, qui sont payés et entretenus par Sa Majesté, et qui ne représentent jamais que des tragédies ou des comédies qui sont approuvées par les magistrats et munies de tous les contre-seings de l’autorité publique. On dit communement que cette contradiction entre le gouvernement et l’Église n’existe pas à Rome, et que les artistes entretenus aux frais de l’État n’y sont pas sous le coup de cette cruelle infamie.

    Je la supplie avec les plus vives instances de me dire comment on en use à Rome et à Florence ; si ces artistes sont excommuniés ou non, et comment on accorde ensemble les règles et la tolérance. Elle me fera une faveur inestimable si elle daigne me fournir des renseignements précis sur cette matière. Je la prie d’adresser sa réponse à M. de La Reynière, fermier general des postes, à Paris.

    Je la supplie de m’excuser si cette lettre est écrite d’une autre main, parce que je suis gravement malade. Ma maladie n’affaiblit pas les sentiments avec lesquels je serai toujours, etc.

    P. S. Je lui fais savoir la mort de M. de Lamare.

  1. Éditeurs, de Cayrol et François.
  2. Confesseur du roi.