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Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome37.djvu/416

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aine et si courte. La vie que je mène auprès du roi de Prusse est précisément ce qui convient à un malade ; une liberté entière, pas le moindre assujettissement, un souper léger et gai :


· · · · · · · · · · · · · · · Deus nobis hæc otia fecit.

(Virg., ecl. I, v. 6.)

Il me rend heureux autant qu’un malade peut l’être, et vous ajoutez à mes consolations par l’intérêt que vous avez bien voulu prendre à mon état. Regardez-moi, je vous en supplie, monsieur, comme un ami que vous vous êtes fait à quatre cents lieues. Je me flatte que cet été je viendrai vous dire avec quelle tendre reconnaissance je serai toujours, etc.


2364. — À M. LE MARQUIS DE THIBOUVILLE.
À Potsdam, le 15 avril.

Le duc de Foix vous fait mille compliments, aussi bien que monsieur son frère[1] : ils voudraient bien que je vinsse à Paris vous les présenter ; mais ils partent incessamment pour aller trouver Mme Denis, dans la malle du premier courrier du Nord. Vous les trouverez à peu près tels que vous les vouliez ; mais on s’apercevra toujours un peu qu’ils sont les enfants d’un vieillard. Si vous voulez les prendre sous votre protection, tels qu’ils sont, empêchez surtout qu’on ne connaisse jamais leur père. Il faut absolument les traiter en aventuriers. Si on se doute de leur famille, les pauvres gens sont perdus sans retour ; mais, en passant pour les enfants de quelque jeune homme qui donne des espérances, ils feront fortune. Ce sera à vous et à Mme Denis à vous charger entièrement de leur conduite, et Mlle Clairon elle-même ne doit pas être de la confidence. On me mande que l’on va redonner au théâtre le Catilina de Crébillon. Il serait plaisant que ce rhinocéros eût du succès à la reprise. Ce serait la preuve la plus complète que les Français sont retombés dans la barbarie. Nos sybarites deviennent tous les jours Goths et Vandales. Je laisse reposer Rome, et j’abandonne volontiers le champ de bataille aux soldats de Corbulon[2]. Je m’occupe, dans mes moments de

  1. Vamir, l’un des personnages de la tragédie d’Amélie, ou le Duc de Foix.
  2. Allusion à ces vers de Rhadamiste et Zénobie, acte II, scène ii :

    De quel front osez-vous, soldat de Corbulon,
    M’apporter dans ma cour les ordres de Néron ?


    Voltaire appelait souvent soldats de Corbulon les partisans de Crébillon.(Auger.)