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Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome40.djvu/171

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faire des souhaits pour votre bonheur, sans avoir la consolation d’écrire à Votre Altesse sérénissime. J’ai béni la Providence de ce qu’elle a au moins écarté cette année la guerre de vos États.

Il y a un mois que je reçus une grande lettre du roi de Prusse, qui m’annonçait sa résolution de combattre, mais qui ne me préparait point à ses malheurs. J’ignore où il est, ce qu’il devient, et si la communication est encore libre. Je gémis sur tous ces événements, qui ne font que prolonger les malheurs du genre humain.

Puissent vos États, madame, être toujours préservés de ces horribles fléaux, comme ils l’ont été cette année, et comme l’est le petit coin de terre que j’habite, dans lequel on n’a d’autre malheur que d’être hors de portée de vous faire sa cour ! Voilà mon fléau, madame, et je n’ai point encore appris à le supporter avec patience. J’ai perdu le premier des biens ; la liberté, dont le roi de Prusse m’a fait connaître tout le prix, n’est que le second. Je ne m’attendais pas, lorsqu’il me fit quitter ma patrie, qu’un jour le roi de France me ferait plus de bien que lui. Sa Majesté très-chrétienne a déclaré libres et indépendantes les terres que j’ai en France auprès de Genève, et j’ai été obligé de renoncer pour jamais aux terres du roi de Prusse. Cependant, madame, je ne renonce point à lui ; je prends même la liberté de supplier Votre Altesse sérénissime de vouloir bien lui faire parvenir cette lettre, que j’ose recommander instamment à vos bontés et à votre protection. Je me flatte qu’elle veut bien me pardonner cette démarche, qu’elle me conserve les sentiments dont elle m’a toujours honoré, et qu’elle agrée, ainsi que toute son auguste famille, mon profond respect et mon attachement.


3917. — À M. COLINI.
Aux Délices, 3 septembre.

Un grand mal aux yeux m’a empêché de répondre plus tôt à votre dernière lettre, mon cher Colini. Il sera fort difficile que je puisse aller à la cour palatine cette année ; mais attendons encore quelques mois, et j’espère faire pour vous quelque chose dont vous serez content[1].

  1. Voltaire songeait alors à placer son ancien secrétaire à Paris ; mais ses premières sollicitations auprès de Charles-Théodore, en faveur de Colini, ayant obtenu enfin un heureux résultat, il ne s’occupa plus que de le faire agréer par l’électeur.