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Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome40.djvu/459

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J’entends murmurer la prise de Marbourg. On ne saura que demain si la chose est vraie.

L’oncle et la nièce baisent le bout de vos ailes.


4176. — À M. THIERIOT.
À Tournay, 7 juillet.

Vous m’avez comblé de joie, mon ancien ami, par votre lettre du 28. Je ne crois pas que M. d’Alembert se fasse Prussien si aisément. Le Salomon du Nord doit être un peu embarrassé après la perte de ses vingt[1] mille hommes à Landeshut, ayant sous son nez quatre-vingt mille Autrichiens, et cent mille Russes à son cul, lesquels Russes sont de rudes Potsdamites[2].

Je ne sais si je me trompe, mais j’ai une grande idée de l’année 1760. On me mande qu’on vient d’envoyer prisonnier à Stade le landgrave de Hesse[3] ; je n’en suis pas surpris ; il y a trois ans qu’il était prisonnier, et, en dernier lieu, il l’était encore dans ses États.

On dit que le duc de Broglie,


Sage en projets, et vif dans les combats[4],


a pris Marbourg et son château avec douze cents hommes.

Le Salomon du Nord m’écrit toujours ; il me mande[5] que le 19 juin il a voulu donner bataille à M. de Daun, qu’il n’a pu en venir à bout ; mais que ce qui est différé n’est pas perdu. Il aime toujours à écrire en prose et en vers, dans quelque situation qu’il se trouve ; mais je n’ai jamais pu obtenir de lui qu’il réparât, par la moindre galanterie, l’indigne traitement fait à ma nièce dans Francfort. Tant pis pour lui ; n’en parlons plus.

Je vous ai mandé ce que je pensais d’un voyage en Russie. J’aime fort le Russe à Paris, mais je n’aime point que le premier baron chrétien soit Russe. Songez que ces Russes ne sont chrétiens que depuis six cents ans, ou environ, et qu’il y avait déjà

  1. Lisez dix mille ou environ. — Le 23 juin précédent, La Motte-Fouqué, l’un des généraux de Frédéric, était tombé au pouvoir de Laudon, à Landeshut, après avoir reçu plusieurs blessures, et vu exterminer presque tout son corps d’armée. (Cl.)
  2. Allusion aux goûts antiphysiques de Frédéric. (B.)
  3. Voyez lettres 3981 et 4173.
  4. Vers 17 du Pauvre Diable ; voyez tome X.
  5. D’après la lettre de Frédéric, du 21 juin (voyez n° 4162), c’est le 20 qu’il avait voulu livrer bataille.