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Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome41.djvu/299

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cation digne de sa naissance. Il me paraît de mon devoir d’instruire l’Académie des calomnies que le nommé Fréron a répandues au sujet de cette éducation. Il dit, dans une des feuilles de cette année[1], que cette demoiselle, aussi respectable par son infortune et par ses mœurs que par son nom, est élevée chez moi par un bateleur de la Foire, que je loge et que je traite comme mon frère.

Je peux assurer l’Académie, qui s’intéresse au nom de Corneille, et à qui je crois devoir compte de mes démarches, que cette calomnie absurde n’a aucun fondement ; que ce prétendu acteur de la Foire est un chirurgien-dentiste du roi de Pologne, qui n’a jamais habité au château de Ferney, et qui n’y est venu exercer son art qu’une seule fois. Je ne conçois pas comment le censeur des feuilles du nommé Fréron a pu laisser passer un mensonge si personnel, si insolent, et si grossier, contre la nièce du grand Corneille.

J’assure l’Académie que cette jeune personne, qui remplit tous les devoirs de la religion et de la société, mérite tout l’intérêt que j’espère qu’on voudra bien prendre à elle. Mon idée est que l’on ouvre une simple souscription, sans rien payer d’avance.

Je ne doute pas que les plus grands seigneurs du royaume, dont plusieurs sont nos confrères, ne s’empressent à souscrire pour quelques exemplaires. Je suis persuadé même que toute la famille royale donnera l’exemple.

Pendant que quelques personnes zélées prendront sur elles le soin généreux de recueillir ces souscriptions, c’est-à-dire seulement le nom des souscripteurs, et devront les remettre à vous, monsieur, ou à celui qui s’en chargera, les meilleurs graveurs de Paris entreprendront les vignettes et les estampes à un prix d’autant plus raisonnable qu’il s’agit de l’honneur des arts et de la nation. Les planches seront remises ou à l’imprimeur de l’Académie, ou à la personne que vous indiquerez. L’imprimeur m’enverra des caractères qu’il aura fait fondre par le meilleur fondeur de Paris : il me fera venir aussi le meilleur papier de France ; il m’enverra un habile compositeur et un habile ouvrier. Ainsi tout se fera par des Français, et chez des Français. Ce libraire n’aura aucune avance à faire ; les deniers de ceux qui acquerront l’ouvrage imprimé seront remis à une personne nommée par l’Académie, et le profit sera partagé entre l’héritier

  1. Voyez une note de la lettre 4416.