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Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome41.djvu/38

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nous allions jouer une pièce nouvelle aux Délices ; M. le duc de Villars, notre confrère, y était ; arrive le frère d’Omer de Fleury, notre intendant de Bourgogne, avec le fils d’Omer. Il fut bien reçu, on lui fit fête, on lui donna la comédie. Il me présenta le fils d’Omer comme graine d’avocat général. « Monsieur, dis-je au jeune homme, souvenez-vous qu’il faut être l’avocat de la nation, et non des Chaumeix. » D’ailleurs tout se passa à merveille.

Je prends acte avec vous que le Tancrède que vous avez vu n’est pas tout à fait mon Tancrède, mais celui des comédiens, qui l’ont ajusté à leur fantaisie, et qui l’ont orné d’une soixantaine de vers de leur cru, assez aisés à reconnaître. Ils en ont usé comme de leur bien, parce que je leur ai abandonné le profit de la représentation et de l’édition. J’ai envoyé une petite dédicace à Mme de Pompadour et à M. le duc de Choiseul ; ils l’ont approuvée. Je lui parle (à Mme de Pompadour), dans cette Épître, du bien qu’elle a fait aux gens de lettres ; je commence par citer Crébillon, et même avec quelque éloge, car il faut être poli ; cela rend le procédé de Crébillon plus indigne. Je ne savais pas alors qu’il se fût dégradé au point d’être le receleur de Palissot.

Je finis, mon respectable confrère, par me féliciter de voir à la tête de nos travaux académiques un homme de votre trempe. Parlez, agissez, écrivez hardiment ; le temps est venu où le bon sens ne doit plus être opprimé par la sottise. Laissons le peuple recevoir un bât des bâtiers qui le bâtent, mais ne soyons pas bâtés. L’honnête liberté est notre partage.

Comptez sur l’estime infinie, le dévouement, la fidélité, l’amitié du Suisse V.


4303. — À M. LE CONSEILLER LE BAULT[1].
Aux Délices, 22 octobre (1760).

Monsieur, les maçons et les charpentiers, et ejusdem farinæ homines, m’ont ruiné. Il est dur pour un voisin de la Bourgogne de dépenser en pierres ce qu’on pourrait mettre en vin. Voilà pourquoi j’ai eu l’indignité de préférer un tonneau de 260 livres à un de 450. J’ai beaucoup de vin assez bon pour des Genevois qui se portent bien ; mais à moi malade, il faut un restaurant

  1. Éditeur, Th. Foisset.