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Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome42.djvu/15

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pour l’édition de Corneille, et que le roi de Prusse n’a pas envoyé un sou.

Voulez-vous, monsieur, me faire un petit plaisir ? Ce serait d’envoyer de ma part à un nommé M. Garnier, ci-devant acteur de la comédie de Lyon, et qui demeure à Lyon, je ne sais où, quatre louis d’or neufs.


4798. — À M. LE COMTE D’ARGENTAL.
8 janvier.

Eh, mon Dieu ! il y a cinq ou six jours que Cassandre clôt votre quatrième acte, et que ce quatre est tout changé. Il faut que l’idée soit bien naturelle, puisqu’elle est venue à l’auteur et à l’acteur. Mes divins anges, envoyez-moi donc mon brouillon, que je vous le rebrouillonne. Je vous jure que vous n’aurez plus d’autels souterrains ; mais vous aurez des autels que je vous dresserai.

Il y a toujours des gens qui, comme dit Cicéron, cherchent midi à quatorze heures à une pièce nouvelle ; il est aisé de dire qu’un sabre est trop grand ; il n’y a qu’à le raccourcir. Mme Denis avait une bonne pique : on ne trouva point du tout mauvais que la forcenée, dans sa rage d’amour, allât se battre contre le premier venu. Elle rencontre son père, et jette ses armes ; cela faisait chez nous un beau coup de théâtre. Nous avons beaucoup d’esprit et de jugement, et votre Paris n’a pas le sens d’une oie. Quand vous faites des opérations de finances, nous vous redressons ; je parle de Genève, car pour moi je suis modeste. Faites comme vous l’entendez ; mais, à votre place, je laisserais crier les critiques.

Duchesne, Gui[1] Duchesne, m’écrit qu’il veut imprimer Zulime. Pourquoi l’imprimer ? quelle nécessité ? Mon avis est qu’elle reste dans le dépôt du tripot : qu’en pensent mes anges ?

Je soutiens toujours que deux scènes de Statira valent mieux que tout Zulime et que toute l’eau rose possible. Mais vous croyez connaître Cassandre (car c’est Cassandre) : non, vous ne le connaissez pas. Quatrième acte nouveau et presque tout entier nouveau, et beaucoup de mailles reprises. Je vous dis que ma nièce Fontaine est folle ; elle ne sait ce qu’elle dit. Mon Dieu, que j’aime Cassandre et le Droit du Seigneur !

  1. Nicolas-Bonaventure Duchesne, reçu libraire en 1751, mort en 1765, avait associé Gui à son commerce.