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Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome42.djvu/243

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périrait : il s’en tirera pourtant, si je ne me trompe, grâce à son activité et à son courage. Je me flatte qu’après la paix, qu’on nous fait espérer bientôt, il redeviendra notre ami, et que tout rentrera dans l’ordre accoutumé[1].

Adieu, mon cher et illustre philosophe ; vous me négligez un peu ; je ne reçois plus de vos nouvelles que de loin à loin, et je trouve cela très-mauvais.


5034. — À M. LE COMTE D’ARGENTAL.
Au château de Ferney, par Genève, 14 septembre.

Je reçois la lettre de mes divins anges du 7 de septembre, avec les plus tendres remerciements. Mme Scaliger a donc aussi une fluxion ; je la plains bien, non pas à cause de ma triste expérience, mais par extrême sensibilité. Cependant il y a fluxion et fluxion ; j’en connais qui rendent sourd et borgne vers les soixante-neuf ans, et qui glacent ce génie que vous prétendez qui me reste. Je ne suis pas trop actuellement en état de raboter des vers ; j’attends quelques petits moments favorables pour obéir à tout ce que mes anges m’ordonnent ; mais si malheureusement mon imbécillité présente se prolongeait, ne pourrait-on pas toujours jouer Mariamne à Fontainebleau, en attendant que le sens commun de la poésie me fût revenu ?

La barque à Tronchin[2] est extrêmement jolie ; elle semble convenir très-fort à celui qui sauve les gens de la barque à Caron. J’ai écrit à l’électeur palatin[3] pour lui demander en grâce qu’il empêche, par son autorité électorale, que Cassandre ne soit livré au bras séculier, et imprimé. Il m’a déjà promis d’avoir cette attention, et je me flatte qu’il tiendra sa parole.

Il a fait, en dernier lieu, exécuter Tancrède d’une façon qui ne laisse pas soupçonner qu’on viole la terrible unité de lieu. On voit la maison d’Argire, un temple, l’hôtel des chevaliers, et deux rues : voilà le goût antique dans toute sa régularité.

Je relis la lettre de mes anges. Je soupçonne qu’il y a quelque malentendu dans la copie de Mariamne que j’ai envoyée ; et, dès que j’aurai la tête moins emmitouflée, je reverrai ce procès avec attention.

Celui des Calas me paraît en bon train, grâce à votre protection.

Je ne connais ni le nom du rapporteur ni celui des juges,

  1. Et que tout rentre ici dans l’ordre accoutumé.

    (Bajazet, acte II, scène ii.)
  2. Voyez lettre 4832.
  3. Cette lettre manque.