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Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome42.djvu/315

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5107. — À M. FYOT DE LA MARCHE[1].
À Ferney, 18 décembre 1762.

Mon digne magistrat, mon philosophe humain, où êtes-vous ? que faites-vous ? Est-ce le malin peuple de Dijon, ou le tranquille séjour de la Marche, ou le fracas de Paris qui vous possède ? Je suis bien malheureux que nous ne soyons si voisins que pour ne point nous voir. Faudra-t-il que je meure sans avoir eu encore la consolation de philosopher un peu avec vous ?

Il y a une terrible tracasserie à l’Académie de peinture de Paris au sujet de votre dessinateur. Je lui avais bien dit qu’il fallait que toutes les estampes fussent de la même dimension ; on ne veut point de cette bigarrure. On a soulevé des souscripteurs ; on prétend que les figures de M. de Vosge sont trop grandes ; qu’elles doivent être de la même proportion que celles de Paris. Enfin c’est un schisme : vous sentez bien que je suis pour la tolérance. Je crois qu’il importe peu que les Attila, les Pertharite, les Pulchérie, les Suréna, les Agésilas, les don Sanche d’Aragon, soient grands ou petits ; mais j’ai affaire à des gens têtus, et me voilà, si parva licet componere magnis, comme le roi entre les jansénistes et les molinistes.

Voilà une affaire plus importante que je confie à votre amitié et à vos bontés. Je suis sur le point de marier la nièce de ce Corneille dont je suis le commentateur, et je ne la marie pas avec la raison sans dot : outre ce que je lui ai déjà assuré, il faut lui donner vingt mille francs, et je n’ai presque point de bien libre. J’ai compté que ces vingt mille francs seraient hypothéqués sur la terre de la Marche. Vous deviendrez avec moi le bienfaiteur de Mlle Corneille ; vous me ferez donc un plaisir extrême, mon digne magistrat, de m’envoyer une procuration en blanc par laquelle vous donnerez commission et pouvoir de stipuler en votre nom la reconnaissance d’une somme de 20, 000 livres à vous prêtée par moi, au pays de Gex, le 13 septembre 1761, portant intérêts de 1, 000 livres, et hypothéquée sur la terre libre de la Marche.

C’est dommage qu’on ne puisse marier des filles sans passer par ces tristes formalités.


Mène à préHymen, qui marchait seul,
Mène à présent à sa suite un notaire.

  1. Éditeur, Th. Foisset.