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Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome42.djvu/351

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Je vous remercie de votre nouvelle liste : je vois avec grand plaisir que le nombre et le mérite de vos académiciens augmentent tous les jours ; c’est votre ouvrage, et je n’en suis pas étonné.

Malgré les neiges qui me gèlent, et une bonne fluxion sur les deux yeux, je vous dirai que celui qui se proposait pour épouser Mlle Corneille était M. de Cormont, capitaine de cavalerie, fils du commissaire des guerres de Châlons. Je donnais une dot honnête, mais le commissaire ne donnait rien du tout ; et la raison sans dot[1] n’a pas réussi.

Je vous embrasse bien tendrement. V.


5142. — À M. LE CONSEILLER LE BAULT[2].
Au château de Ferney, 14 janvier 1763.

Monsieur, j’ai les yeux rouges comme un ivrogne, et je n’ai pourtant pas l’honneur de l’être. Ma fluxion et quelques autres bagatelles de cette espèce me privent de l’honneur de vous écrire de ma main.

Quand je prends la liberté de vous demander du vin de Corton, ce n’est point par sensualité, c’est par régime ; c’est ce qui fait que je vous en demande peu cette année.

À l’égard de l’autre vin, j’avoue qu’il ne ressemble pas aux lis de France, qui ne travaillent ni ne filent ; mais je crois que c’est ma faute de l’avoir laissé trop longtemps un peu exposé dans la petite ville de Nyon, au pays de Vaud, où on me l’avait adressé. Je fais réparation d’honneur à Mme Le Bault, et je crois que son vin est, comme elle, très-agréable et bienfaisant.

Je conviens, monsieur, que les arbitres ont passé un peu leur pouvoir[3] ; mais il me semble qu’ils ne pouvaient le passer d’une manière plus raisonnable. Je conseille au père d’acquiescer et d’ensevelir dans l’oubli tous ces petits différends qui troublent le repos de deux hommes respectables.

Je vous rends, monsieur, de très-humbles actions de grâces de tout ce que vous avez bien voulu me mander.

Revenons, s’il vous plaît, au vin de Corton ; je ne le demande ni nouveau, ni vieux, ni en tonneau, ni en bouteilles, je le de-

  1. L’Avare, acte I, scène vii.
  2. Éditeur, de Mandat-Grancey. — Dictée à un secrétaire, signée par Voltaire.
  3. Il s’agit des difficultés d’intérêt entre les premiers présidents de La Marche.