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Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome42.djvu/486

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Eh bien ! voilà-t-il pas encore mes yeux qui me refusent le service ?

Ah ! je n’ai pas un secrétaire[1] comme M. d’Argental.

Mme Denis est toujours souffrante, et moi aussi.

Dieu ait pitié de moi ! Amen.


5288. — À M. LE CARDINAL DE BERNIS.
Aux Délices, ce 14 mai.

Votre Éminence m’a écrit une lettre instructive et charmante. Je pense comme elle ; l’extravagant vaut mieux que le plat : ajoutons encore, je vous en prie, que des discours entortillés de politique sont encore pires que la fadeur. Je pousse le blasphème si loin, que si j’étais condamné à relire l’Hèraclius de Corneille ou celui de Calderon, je donnerais la préférence à l’espagnol.


J’aime mieux Bergerac et sa burlesque audace,
Que ces vers où Motin se morfond et nous glace.

(Boileau, l’Art poét., ch. IV, v. 39.)

Daignez donc me rendre raison de la réputation de notre Héraclius. Y a-t-il quelque vraie beauté, hors ces vers :


Ô malheureux Phocas ! ô trop heureux Maurice !
Tu recouvres deux fils pour mourir après toi :
Je n’en puis trouver un pour régner après moi.

(Héraclius, acte IV, scène iv.)

Et encore ces vers[2] ne sont-ils pas pris de l’espagnol.

Cette Léontine, qui se vante de tout faire et qui ne fait rien, qui n’a que des billets à montrer, qui parle toujours à l’empereur comme au dernier des hommes, dans sa propre maison, est-elle bien dans la nature ? Et ce Phocas, qui se laisse gourmander par tout le monde, est-il un beau personnage ? Vous voyez bien que je ne suis pas un commentateur idolâtre, comme ils le sont tous. Il faut tâcher seulement de ne pas donner dans l’excès opposé. Je tremble de vous envoyer Olympie, après avoir osé vous dire du

    entre autres le Danger des passions, ouvrage d’un homme du monde qui a de l’observation et de l’esprit. Il était renommé dans les salons pour le talent de dire les vers, et Voltaire l’appelait en plaisantant Baron au lieu de marquis. (A. F.)

  1. Mme d’Argental écrivait pour son mari, quand-il avait mal aux yeux.
  2. Voyez tome XVII, page 396.