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Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome42.djvu/49

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Que Socrate, Platon, Lucrèce, Épictète, Marc-Antonin, Julien, Bayle, Shaftesbury, Bolingbroke, Middleton, aient tous mes chers frères en leur sainte et digne garde !


4835. — DU PRINCE HENRI DE PRUSSE.
8 février.

Monsieur, lorsque je lis un ouvrage qui m’intéresse et m’enlève, je m’écrie : C’est du Voltaire ! Voilà le sentiment que vous m’inspirez : c’est mon guide ; je n’en connais point d’autre.

Les grands peintres peuvent apprécier un tableau ; mais combien y en a-t-il qui peuvent dire avec le Corrège : Je suis peintre ? C’est un droit qui vous appartient. Quant à moi, je n’ose être dans les ouvrages de goût esclave de mon jugement.

Après cet aveu, je puis vous dire que l’ode[1] que vous réclamez en faveur d’un autre m’a plu. J’y ai trouvé un cœur pénétré des maux de l’humanité, de la hardiesse dans les expressions, et plusieurs vérités. Ces sentiments sont dignes de vous.

Puissiez-vous jouir longtemps de l’heureux avantage d’éclairer les hommes ! et puissé-je avoir celui de vous donner des preuves de l’estime avec laquelle je suis, monsieur, votre très-affectionné ami et serviteur !


Henri, prince de Prusse.

4836. — À M. LE MARQUIS DE CHAUVELIN.
Aux Délices, 9 février.

Je présente au roi Cassandre mon maître, dans sa maison de campagne d’Éphèse, ce projet de négociation[2] de Votre Excellence. Le roi mon maître est prévenu pour vous de la plus haute estime ; il connaît votre esprit conciliant, fécond, juste, aussi estimable qu’aimable. Il m’a assuré qu’il sent tout le prix de vos conseils, et qu’il en a profité ; mais comme tous les princes ont leurs défauts, je vous avouerai qu’il y a des articles sur lesquels le roi mon maître est têtu comme un mulet. Il dit qu’on le regarderait en Macédoine comme un imbécile, s’il ignorait la naissance d’Olympie élevée dans sa cour, tandis qu’Antigone étranger est instruit de cette naissance ; que ses remords alors n’auraient aucun fondement, qu’ils seraient ridicules, au lieu d’être terribles ; que, de plus, cette ignorance de la naissance d’Olympie rentrerait dans les intrigues vulgaires de cent tragé-

  1. Ode sur la guerre présente : voyez une note sur la lettre 4678.
  2. Voyez ci-dessus, page 36.