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Page:Voltaire - Idées républicaines, augmentées de remarques, éd. Needham, 1766.djvu/25

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Diſons quelque choſe de plus précis : la liberté de la dépendance ne connoit guere de meſure. Elle devient un abîme qui engloutit les plus amples revenus : la vanité anime ſes efforts, l’ambition les ſoutient ; l’avarice, l’oppreſſion forment ſes reſſources ; tous moyens lui ſervent, juſqu’à ce qu’enfin ſuccombant ſous le poids des dettes & n’ayant plus d’expédients, des maiſons floriſſantes dont elle entretenoit l’éclat, s’écroulent & entraînent en périſſant la ruine de mille particuliers dont la bonne foi leur avoit aſſervi l’art, l’induſtrie & les talents. Ces chutes bruiantes ſont un déſordre dans l’Etat. En voici un autre plus nuiſible parce qu’il eſt plus univerſel ; c’eſt une diſproportion ſenſible entre les facultés & les beſoins de la vie que le luxe opere manifeſtement en hauſſant le prix des choſes néceſſaires, laquelle influe dans les conditions qui compoſent plus des deux tiers de l’Etat ; ce qui équivaut à un affoibliſſement preſque général des familles. Ce détail de malheurs eſt la meilleure apologie de la ſage politique de Geneve. La modération du Citoyen eſt certainement une des cauſes de cet air d’aiſance qu’on y apperçoit ; cette aiſance ne ſe ſoutient que par la vigilance & par l’occupation. Il eſt peu de ville où l’on voie plus