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Page:Voltaire - Idées républicaines, augmentées de remarques, éd. Needham, 1766.djvu/73

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Geneve, la Hollande entiere montrent une émulation à la faveur de laquelle il n’eſt point de ſi mauvaiſe production qui ne voie le jour, & qui ne ſe répande avec une facilité admirable. Déja nos Caffés ſont devenus preſque autant de petites Académies dans leſquelles on lit, on dévore ; chacun fournit ſon contingent d’érudition & le petit maître qui ſe mêle de raiſonner ſe croit en droit de partager avec l’auteur le mérite d’avoir compoſé ce qu’il vient de lire : il s’en eſtime un dégré de plus. Ce genre de bibliomanie a paſſé juſqu’aux Dames ; les livres bleus ſe Uſent à la ruelle de leurs lits, ils ſe trouvent ſur leurs toilettes : ſi par malheur l’ouvrage eſt trop ſavant, on le laiſſe : s’il ne fait qu’amuſer aux dépens de la Religion & de la vertu, il eſt lu ; & l’on eſt en état de rendre compte à la converſation de la brochure du jour.

Après cela nos Auteurs mécréans ont-ils bonne grace de ſe plaindre ? on leur accorde plus qu’ils ne demandent. C’eſt à la ſociété à ſe plaindre : & prenant en main ſes intérêts, demandons par quelle fatalité il arrive que dans une Ville auſſi policée que Geneve, l’on ferme les yeux ſur la licence de la Preſſe & ſur la facile diffuſion des livres empoiſonnés qui en ſortent. L’on condamneroit un Marchand qui