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Page:Wagner - Dix Écrits, 1898.djvu/214

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DIX ÉCRITS DE RICHARD WAGNER

Dès qu’il s’agit de plaisanter, tout est permis en musique ; une certaine étroitesse est dans l’essence intime du comique, et rire et faire rire est une belle et excellente chose. Dès que la peinture par les sons sort de là, elle devient absurde. Les motifs d’inspiration musicale doivent être de telle nature qu’ils n’aient pu prendre naissance que dans l'âme d’un musicien.

— Voilà un principe que tu aurais bien de la peine à établir. Au fond, je partage ton opinion ; toutefois je doute qu’elle puisse se concilier partout avec la commune et entière admiration que nous inspirent les œuvres du grand maître. Ne sens-tu pas que ton opinion se trouve, à certains égards, en contradiction directe avec les révélations de Beethoven ?

— Pas le moins du monde, et j’espère bien tirer mes preuves des œuvres mêmes du maître.

— Avant d’entrer dans les détails, dis-moi, ne trouves-tu pas que le caractère de la musique instrumentale de Mozart justifierait beaucoup mieux ton assertion que celui de Beethoven ?

— Pas que je sache. Beethoven a singulièrement agrandi la forme de la symphonie ; il a quitté les proportions de l’ancienne période musicale, que Mozart avait élevée au plus haut degré de beauté ; il s’en est affranchi pour suivre l’essor de son génie dans des régions que lui seul pouvait atteindre ; il s’est frayé sa route avec une liberté audacieuse et toujours calme et réfléchie,