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Page:Wagner - Dix Écrits, 1898.djvu/215

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UNE SOIRÉE HEUREUSE

à laquelle il a su donner une conséquence philosophique ; de cette façon, tout en prenant la forme de la symphonie de Mozart pour base, il a créé un nouveau genre, dans lequel il atteignit en même temps les dernières limites de la perfection. Mais tout cela, Beethoven n’aurait pu l’entreprendre, si Mozart, avant lui, n’eût soumis la symphonie à l’action de son génie victorieux, si le souffle divin de son inspiration n’eût communiqué la vie et l’esprit à ces formes, à ces proportions inanimées, qui seules avaient prévalu jusqu’à l’époque de son avènement. Tel fut le point de départ de Beethoven, et le compositeur qui aspira pour ainsi dire l’âme divine de Mozart ne put jamais tomber de la haute sphère où séjourne la véritable musique.

— Tu as raison : toutefois tu conviendras que les épanchements du génie de Mozart ne jaillissent jamais que de sources purement musicales ; que chez lui l’inspiration se rattache constamment à un sentiment vague, et qu’il n’eût jamais pu rendre autrement que par des sons, quand même il aurait eu le don de la poésie. Je parle ici de l’inspiration qui naît dans l’âme du compositeur en même temps que la mélodie, que la formation musicale. La musique de Mozart porte l’empreinte caractéristique de cette spontanéité, et l’on ne saurait admettre qu’il ait formé d’avance le plan d’une symphonie, dont tous les thèmes et même l’expression musicale, telle qu’elle nous a