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Page:Wagner - Dix Écrits, 1898.djvu/52

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DIX ÉCRITS DE RICHARD WAGNER

temps des éminentes qualités du caractère national. C’est ainsi que l’aimable esprit chevaleresque de l’ancienne France semble avoir inspiré à Boïeldieu sa délicieuse musique de Jean de Paris, car la vivacité et la grâce naturelle de l’esprit français sont empreintes surtout dans le genre de l’opéra-comique. Mais le point culminant du génie musical en France est sans contredit la Muette de Portici, d’Auber, une de ces œuvres nationales dans toute l’étendue du mot, et dont chaque nation ne peut guère montrer qu’un ou deux exemples. L’impétuosité du drame, cette mer de passions et de sentiments, peinte des plus brillantes couleurs et peuplée de mélodies pleines d’originalité, de grâce et d’énergie, tout cela n’est-il pas la reproduction idéale et vivante des annales les plus récentes de la nation française ? et quel autre qu’un Français eût pu entreprendre et parachever une œuvre semblable ? On ne saurait disconvenir que cet admirable opéra a mis le comble à la gloire de l’art musical français, et l’a signalé comme un digne exemple à tout le monde civilisé. Pourquoi donc s’étonnerait-on que l’Allemand, doué surtout d’impartialité et si facile à émouvoir, ait reconnu avec un sincère enthousiasme ces progrès artistiques d’un peuple voisin ?

En effet, l’Allemand juge avec moins de prévention que personne, et d’ailleurs ces productions nouvelles répondirent, à leur apparition, à un besoin incontestable. Car il n’est que trop avéré,