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DE LA MUSIQUE ALLEMANDE

que la musique dramatique, avec ses plus larges développements, ne saurait prospérer par elle-même en Allemagne, et cela par les mêmes raisons qui s’opposent à la perfection du drame et de la comédie. En revanche, les Allemands, je le répète, semblent avoir le privilège de s’approprier les créations de l’art étranger pour les perfectionner, les ennoblir et en généraliser l’influence. Haendel et Gluck l’ont prouvé surabondamment, et de nos jours un autre Allemand, Meyerbeer, nous en offre un nouvel exemple.

Arrivé au point d’une perfection complète et absolue, le système français n’avait plus, en effet, d’autres progrès à espérer que de se voir généralement adopté et de se perpétuer au même degré de splendeur ; mais c’était aussi la tâche la plus difficile à accomplir. Or, pour qu’un Allemand en ait tenté l’épreuve et obtenu la gloire, il fallait sans contredit qu’il fût doué de cette bonne foi désintéressée, qui prévaut tellement chez ses compatriotes, qu’ils n’ont pas hésité à sacrifier leur propre scène lyrique pour admettre et cultiver un genre étranger, plus riche d’avenir et qui s’adresse plus directement aux sympathies universelles. En serait-il autrement quand la raison aurait anéanti la barrière des préjugés qui séparent les différents peuples, et quand tous les habitants du globe seraient d’accord pour ne plus parler qu’une seule et même langue ?

On peut donc avancer qu’en fait de musique