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Page:Weil - La Connaissance surnaturelle, 1950.djvu/106

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Dieu est présent, le Christ est présent partout où s’opère d’un homme à un homme un acte de vertu surnaturelle.

L’attitude d’une âme à l’égard de Dieu n’est pas une chose constatable, même par elle-même, parce que Dieu est ailleurs, dans les cieux, dans le secret. Si on croit la constater, c’est qu’une chose terrestre se trouve dissimulée sous l’étiquette Dieu. On peut seulement constater si le comportement de l’âme vis-à-vis de ce monde-ci a passé ou non par Dieu.

De même les amis d’une fiancée n’entrent pas dans la chambre conjugale ; mais quand il apparaît qu’elle est grosse, on sait qu’elle a perdu sa virginité.

Il n’y a pas de feu dans un plat cuisiné ; mais on sait qu’il a passé sur le feu.

Au contraire, quand même on aurait cru voir l’éclat de la flamme, si des pommes de terre sont crues, il est certain qu’elles n’ont pas passé sur le feu.

Ce n’est pas par la manière dont un homme parle de Dieu, mais par la manière dont il parle des choses terrestres, qu’on peut le mieux discerner si son âme a séjourné dans le feu de l’amour de Dieu. Là nul déguisement n’est possible. Il y a de fausses imitations de l’amour de Dieu, mais non pas de la transformation qu’il opère dans l’âme, car on n’a aucune idée de cette transformation autrement qu’en y passant soi-même.

De même, la preuve qu’un enfant sait faire une division, ce n’est pas qu’il récite la règle ; c’est qu’il fait des divisions. S’il me récite la règle, j’ignore s’il la comprend. Si je lui donne plusieurs divisions difficiles et qu’il m’apporte des résultats justes, je n’ai pas besoin de lui faire exposer la règle. Peu m’importe même qu’il en soit incapable, ou même qu’il ignore le nom de l’opération. Je sais qu’il la comprend. Si l’enfant qui a su me réciter la règle m’apporte les sommes des nombres que je lui ai proposés au lieu de quotients, je sais qu’il ne comprend pas.

De la même manière, je sais que l’auteur de l’Iliade connaissait et aimait Dieu, et non celui du livre de Josué.