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Page:Weil - La Connaissance surnaturelle, 1950.djvu/108

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Au contraire, s’il se représente dans son tableau, je sais avec certitude que le lieu où il feint d’être n’est pas celui où il est.

D’après la conception de la vie humaine exprimée dans les actes et les paroles d’un homme, je sais (je veux dire que je saurais, si j’avais le discernement) s’il regarde cette vie d’un point situé ici-bas ou du haut du ciel.

Au contraire, quand il parle de Dieu, je ne peux pas discerner (pourtant je le peux parfois…) s’il parle du dedans ou du dehors.

Un homme qui dit avoir été en avion et a dessiné les nuages, son dessin n’est pas une preuve pour moi ; je peux croire que c’est une fantaisie. S’il m’apporte un dessin de la ville à vol d’oiseau, c’est une preuve.

L’Évangile contient une conception de la vie humaine, non une théologie.

Si dehors, dans la nuit, j’allume une lampe électrique de poche, ce n’est pas en regardant l’ampoule que j’en juge la puissance, mais en regardant quelle quantité d’objets est éclairée.

L’éclat d’une source lumineuse s’apprécie par l’éclairement projeté sur les objets non lumineux.

La valeur d’une forme de vie religieuse, ou plus généralement spirituelle, s’apprécie par l’éclairement projeté sur les choses d’ici-bas.

Les choses charnelles sont le critérium des choses spirituelles.

C’est ce qu’on ne veut généralement pas reconnaître, parce qu’on a peur d’un critérium.

La vertu d’une chose quelconque se manifeste hors d’elle.

Si sous prétexte que les choses spirituelles ont seules une valeur on refuse de prendre pour critérium l’éclairage projeté sur les choses charnelles, on risque de n’avoir pour trésor que du néant.

Les choses spirituelles ont seules une valeur, mais les choses charnelles ont seules une existence constatable. Par suite la valeur des premières n’est constatable que comme éclairement projeté sur les secondes.