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Page:Weil - La Connaissance surnaturelle, 1950.djvu/115

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parfait avec le bien, elle en désire la dissolution et disparaît.

Un seul acte accompli par pure obéissance suffit peut-être. Mais s’il y en a eu un, il y en a eu beaucoup.


Quel est le lien du châtiment et du pardon ? Il y a la satisfaction — un homme offensé ne pardonne que si l’offenseur a subi une peine et une humiliation, soit qu’il consente lui-même à s’y soumettre (comme c’était fréquent au moyen âge), soit qu’y ayant été contraint il dise, comme les esclaves fouettés à Rome : pardonne-moi, j’ai assez souffert.

Un autre lien est la guérison — on espère que le châtiment sera un remède qui amendera le criminel ; une fois amendé, il sera pardonné de ce fait même.

Ce sont là deux rapports humains, mais qui peuvent légitimement être transposés dans la relation entre Dieu et l’homme, à condition d’observer les règles d’une telle transposition.

Quelles sont-elles ?

La satisfaction n’a pas pour but la guérison du criminel, mais de l’offensé, qui ne peut oublier l’offense ou y penser sans trouble qu’après avoir vu souffrir le coupable.

Cela répond au besoin de transférer la souffrance. Le capitaine réprimandé par le colonel remâche la réprimande jusqu’à ce qu’il s’en soit délivré en réprimandant le lieutenant.

Mais si on a été offensé par un inférieur, on reporte la souffrance sur celui qui l’a causée, en l’aggravant.

Le vase de porcelaine brisé ne peut être raccommodé ; mais en revanche, heureusement, l’esclave qui l’a brisé peut être déchiré à coups de fouet.

Si l’esclave tombe à genoux, le seul fait de le tenir ainsi en sa puissance suffit parfois.

L’esclave fouetté — ou même n’aurait-il eu que la douleur de demander grâce — a besoin à son tour d’une satisfaction.

Tout mal suscité dans ce monde voyage de tête en tête (c’est le mythe d’Até dans Homère) jusqu’à ce