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Page:Weil - La Connaissance surnaturelle, 1950.djvu/271

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L’inertie de la matière répond à la justice de la pensée divine.

Une pensée humaine peut habiter la chair. Mais si une pensée habite de la matière inerte, ce ne peut être qu’une pensée divine.

C’est pourquoi, si un homme est transformé en être parfait, et sa pensée remplacée par la pensée divine, sa chair, sous les espèces de la chair vivante, est devenue en un sens du cadavre.

Il faut qu’un homme ait péri et que le cadavre soit animé de nouveau par un souffle vital venu directement d’au-dessus des cieux.

Si Dieu peut s’incarner en un homme ordinaire à un certain moment de sa vie, pourquoi pas dans une semence enfermée en un corps de femme ?

Les conceptions fondées sur l’incarnation regardent la régénération spirituelle comme une possession de l’homme par Dieu. Cela implique rupture de continuité. Les autres conceptions ne dépassent pas le niveau de l’obligation, la loi.

Une divinité au niveau de l’obligation, c’est la société transformée en idole. C’est pourquoi le protestantisme, où la morale est au premier plan, se dégrade irrésistiblement en religion nationale. La morale y est au premier plan parce que la notion de sacrement y est affaiblie.

La Réforme a affaibli la notion de sacrement parce que les sacrements avaient été l’objet d’une usurpation. Quand une société s’empare du monopole des sacrements et les accorde sous condition, il y a usurpation.

Le Christ a repoussé la tentation du diable qui lui offrait les royaumes de ce monde. Mais son épouse, l’Église, y a succombé. Les portes de l’enfer n’ont-elles pas prévalu contre elle ?

Mais le texte de l’Évangile, le pater et les sacrements conservent leur efficacité rédemptrice. En ce sens seulement l’enfer n’a pas prévalu.

La parole du Christ ne garantit rien d’autre, et en particulier ne garantit nullement la perpétuité du christianisme.