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Page:Weil - La Connaissance surnaturelle, 1950.djvu/331

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Quelle joie de savoir que ne sont pas là les conditions universelles du bien spirituel pour tous les hommes ! Car s’il devait toujours être acheté d’une manière si douloureuse, il faudrait se faire violence pour le souhaiter à ceux qu’on aime.

Il ne faut pas oublier qu’une plante vit de lumière et d’eau, non de lumière seule. Ce serait donc une erreur de compter sur la grâce seule. Il faut aussi de l’énergie terrestre.

Mais quand on est totalement privé d’énergie terrestre, on meurt. Tant que mon cœur, mes poumons, mes membres ne sont pas complètement paralysés, c’est la preuve expérimentale qu’il y a sur la pierre une goutte d’eau pour le blé céleste.

Parvenir à la lui donner à boire même si cela fait mourir d’épuisement la chair.

Que cette chair et ce sang soient seulement desséchés avant la tige divine, et rien d’autre n’importe.

N’avoir pas eu de fruit, n’avoir droit à aucun salaire, n’importe pas. Il y a des fruits merveilleux, des récompenses merveilleuses pour d’autres.

Mais où trouver le courage de priver la chair et le sang de la dernière goutte d’eau pour la donner à la tige divine ? Il n’est possible d’agir ainsi que par contrainte. Ce sont les esclaves, dressés à coups de fouets, qui peuvent faire des choses de ce genre.

Nulle autre espérance que dans la miséricorde divine pour précipiter dans l’esclavage et faire subir le dressage du fouet.

J’ai eu un peu de dressage, mais bien insuffisant. J’en aurai davantage si je le désire. La difficulté est que le désir soit réel.


Héraclite, fr. 90 — πυρός τε ἀνταμοιϐὴ τὰ πάντα καὶ πῦρ ἁπάντων ὅκωσπερ χρυσοῦ χρήματα καὶ χρημάτων χρυσός.


Toutes choses sont échangeables contre du feu, et du feu contre toutes choses, comme les marchandises contre l’or et l’or contre les marchandises.