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Page:Weil - La Connaissance surnaturelle, 1950.djvu/82

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pas le bien, et par suite elle m’est aussi étrangère et aussi indifférente que n’importe quoi dans le monde.

Il en est vraiment ainsi.

Pourquoi m’intéresserai-je à ce qui n’est pas le bien ?

Pourtant désobéir à Dieu m’est intolérablement douloureux (quoique ce soit si fréquent).

Cela s’arrange comment ?

Contradiction irréductible et légitime.

La contradiction est légitime quand la suppression d’un terme aboutit à détruire ou vider de sa substance l’autre terme. Autrement dit, quand elle est inévitable. La nécessité est le critérium suprême dans toutes les logiques. La nécessité met seule l’esprit au contact de la vérité.

Pourquoi ? À méditer aussi.

Quand on distingue en Dieu (et non pas sous forme d’hypothèse absurde ayant uniquement rapport à la pensée de l’homme) miséricorde et justice, vouloir et pouvoir, on commet une absurdité illégitime de première gravité.

Ex. Dieu peut tout. Il aurait pu… Mais en fait il a voulu…

Absurde. Les limites du vouloir et du pouvoir sont les mêmes en Dieu. Il ne veut que ce qu’Il peut, et s’Il ne peut pas davantage, c’est qu’Il ne veut pas pouvoir davantage. Et ainsi de suite à l’infini, en cercle. Le cercle est la projection de la vérité divine.

De même miséricorde et justice. Sa justice exige qu’il accorde sa miséricorde à quiconque est capable de la recevoir, et toute espèce de bien. Sa miséricorde exige qu’il prive de son pardon et de toute espèce de bien ceux qui n’en veulent pas.

Il est puéril de distinguer la miséricorde et la justice de Dieu au moment où on pense à Dieu. Et même si l’on pense à l’homme, cette distinction n’est pas légitime parce qu’il n’y a pas d’usage à faire de cette absurdité, contrairement à d’autres. Du moins c’est ce qu’il me semble.

Les attributs de Dieu ne se débordent pas les uns les autres.