Aller au contenu

Page:Weil - La Connaissance surnaturelle, 1950.djvu/83

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Ils ont la même limite, l’abdication constituée par l’acte créateur de Dieu.

Nous effaçons cette limite en abdiquant à notre tour notre existence de créatures.

« Vous rendre tout le sang que vous m’avez donné. »


On ne peut pas tuer un homme à moins de nécessité absolue quand on a compris que tout homme enferme la possibilité d’une chose aussi sublime. Quand on a fait couler son sang, lui ne peut plus le rendre.

Dieu seul sait si la possibilité se prolonge après la mort. Il a voulu que nous l’ignorions.


Le malheureux agenouillé qui implore la vie dit, sans s’en rendre compte lui-même : Laisse-moi encore le temps de devenir parfait. Ne me supprime pas ayant eu si peu de part au bien.

Comment celui qui aime Dieu n’entendrait-il pas une telle supplication ?

Dieu seul sait ce qui se passe si le malheureux n’est pas entendu, s’il est tué.

La révélation à Noé : « Tout ce qui répand le sang de l’homme devra en rendre compte. »

Fragment de la sagesse préhistorique. Il doit y avoir là un abîme de signification insondablement profonde. Mais quelle signification ? À méditer.

L’impossibiilté dans le raisonnement mathématique (démonstration par l’absurde, à quoi les autres se ramènent), le jamais dans la vie morale transportent du temps dans l’éternité.

La négation est le passage dans l’éternel.

« Je ne ferai jamais cela. » Ces quelques mots, qu’on prononce en quelques secondes, enferment une durée perpétuelle.

Jamais a cette propriété, non pas toujours. « Je ferai toujours cela » n’a en fait aucun sens.

C’est pourquoi la confession justificative du Livre des Morts égyptien est négative.

De même pour la mathématique. Il y a une diversité