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Page:Weil - La Pesanteur et la Grâce, 1948.djvu/119

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C’est une lâcheté que de chercher auprès des gens qu’on aime (ou de désirer leur donner) un autre réconfort que celui que nous donnent les œuvres d’art, qui nous aident du simple fait qu’elles existent. Aimer, être aimé, cela ne fait que rendre mutuellement cette existence plus concrète, plus constamment présente à l’esprit. Mais elle doit être présente comme la source des pensées, non comme leur objet. S’il y a lieu de désirer être compris, ce n’est pas pour soi, mais pour l’autre, afin d’exister pour lui.

Tout ce qui est vil ou médiocre en nous se révolte contre la pureté et a besoin, pour sauver sa vie, de souiller cette pureté.

Souiller, c’est modifier, c’est toucher. Le beau est ce qu’on ne peut pas vouloir changer. Prendre puissance sur, c’est souiller. Posséder, c’est souiller.

Aimer purement, c’est consentir à la distance, c’est adorer la distance entre soi et ce qu’on aime.

L’imagination est toujours liée à un désir, c’est-à-dire à une valeur. Seul le désir sans objet est vide d’imagination. Il y a présence réelle de Dieu dans toute chose que l’imagination ne voile pas. Le beau capture le désir en nous et le vide d’objet en lui donnant un objet présent et en lui interdisant ainsi de s’élancer vers l’avenir.

Tel est le prix de l’amour chaste. Tout désir de