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Page:Weil - La Pesanteur et la Grâce, 1948.djvu/126

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nête femme » ; caisse d’épargne et gaspillage ; mensonge et « sincérité ».

Le bien est essentiellement autre que le mal. Le mal est multiple et fragmentaire, le bien est un, le mal est apparent, le bien est mystérieux ; le mal consiste en actions, le bien en non action, en action non agissante, etc. — Le bien pris au niveau du mal et s’y opposant comme un contraire à un contraire est un bien de code pénal. Au-dessus se trouve un bien qui, en un sens, ressemble plus au mal qu’à cette forme basse du bien. Cela rend possible beaucoup de démagogie et de paradoxes fastidieux.

Le bien qui se définit à la façon dont on définit le mal doit être nié. Or le mal le nie. Mais il le nie mal.

Y-a-t-il union de vices incompatibles chez les êtres voués au mal ? Je ne crois pas. Les vices sont soumis à la pesanteur, et c’est pourquoi il n’y a pas de profondeur, de transcendance dans le mal.

On n’a l’expérience du bien qu’en l’accomplissant.

On n’a l’expérience du mal qu’en s’interdisant de l’accomplir, ou, si on l’a accompli, qu’en s’en repentant.

Quand on accomplit le mal, on ne le connaît pas, parce que le mal fuit la lumière.