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Page:Weil - La Pesanteur et la Grâce, 1948.djvu/211

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unes vers les autres, et cela n’a pas de fin. Elles sont des intermédiaires vers Dieu. Les éprouver comme telles.

Les ponts des Grecs. — Nous en avons hérité. Mais nous n’en connaissons plus l’usage. Nous avons cru que c’était fait pour y bâtir des maisons. Nous y avons élevé des gratte-ciel où sans cesse nous ajoutons des étages. Nous ne savons plus que ce sont des ponts, des choses faites pour qu’on y passe, et que par là on va à Dieu.

Seul celui qui aime Dieu d’un amour surnaturel peut regarder les moyens seulement comme des moyens.

La puissance (et l’argent, ce passe-partout de la puissance) est le moyen pur. Par là même, c’est la fin suprême pour tous ceux qui n’ont pas compris.

Ce monde, domaine de la nécessité, ne nous offre absolument rien sinon des moyens. Notre vouloir est sans cesse renvoyé d’un moyen à un autre comme une bille de billard.

Tous les désirs sont contradictoires comme celui de la nourriture. Je voudrais que celui que j’aime m’aime. Mais s’il m’est totalement dévoué, il n’existe plus, et je cesse de l’aimer. Et tant qu’il ne m’est pas totalement dévoué, il ne m’aime pas assez. Faim et rassasiement.