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Page:Weil - La Pesanteur et la Grâce, 1948.djvu/63

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L’IMAGINATION COMBLEUSE

L’imagination travaille continuellement à boucher toutes les fissures par où passerait la grâce.

Tout vide, (non accepté) produit de la haine, de l’aigreur, de l’amertume, de la rancune. Le mal qu’on souhaite à ce qu’on haït, et qu’on imagine, rétablit l’équilibre.

Les miliciens du « Testament espagnol » qui inventaient des victoires pour supporter de mourir, exemple de l’imagination combleuse de vide. Quoiqu’on ne doive rien gagner à la victoire, on supporte de mourir pour une cause qui sera victorieuse, non pour une cause qui sera vaincue. Pour quelque chose d’absolument dénué de force, ce serait surhumain (disciples du Christ). La pensée de la mort appelle un contrepoids, et ce contrepoids — la grâce mise à part — ne peut être qu’un mensonge.

L’imagination combleuse de vides est essentiellement menteuse. Elle exclut la troisième dimension, car ce sont seulement les objets réels qui