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Page:Weil - La Pesanteur et la Grâce, 1948.djvu/95

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la pensée. Mais être disposé à aller sous sa poussée n’importe où, jusqu’à la limite (la croix…). Être disposé au maximum, c’est prier pour être poussé, mais sans savoir où.

Si mon salut éternel était sur cette table sous la forme d’un objet et qu’il n’y eût qu’à étendre la main pour le saisir, je ne tendrais pas la main sans en avoir reçu l’ordre.

Détachement des fruits de l’action. Se soustraire à cette fatalité. Comment ?

Agir, non pour un objet, mais par une nécessité. Je ne peux pas faire autrement. Ce n’est pas une action, mais une sorte de passivité. Action non agissante.

L’esclave est, en un sens, un modèle (le plus bas… le plus haut… toujours la même loi). La matière aussi.

Transporter hors de soi les mobiles de ses actions. Être poussé. Les motifs tout à fait purs (ou les plus vils : toujours la même loi) apparaissent comme extérieurs.

Pour tout acte, le considérer sous l’aspect non de l’objet, mais de l’impulsion. Non pas : à quelle fin ? Mais : d’où cela vient-il ?

« J’étais nu et vous m’avez habillé. » Ce don est simplement le signe de l’état où se trouvaient les êtres qui ont agi de la sorte. Ils étaient dans un état tel qu’ils ne pouvaient pas s’empêcher de nourrir ceux qui avaient faim, d’habiller ceux qui étaient nus ; ils ne le faisaient aucunement pour le Christ, ils ne pouvaient pas s’empêcher