Aller au contenu

Page:Weil - La Source grecque, 1953.djvu/104

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

au sortir de la caverne, quand on reçoit le choc de la lumière.

Ces deux périodes correspondent exactement aux deux « nuits obscures » que distingue Saint Jean de la Croix, la nuit obscure de la sensibilité et la nuit obscure de l’esprit.

[Il est bien difficile de ne pas penser que cette comparaison si précise condense une expérience mystique accumulée pendant des générations.]

Le moment final, celui où l’être délivré regarde le soleil lui-même, le bien lui-même, c’est-à-dire Dieu lui-même, tel qu’il est, correspond à ce que Saint Jean de la Croix appelle le mariage spirituel.

Mais dans Platon ce n’est pas la fin. Encore une étape. (Indiquée aussi d’ailleurs par Saint Jean de la Croix.)


« Notre affaire à nous, fondateurs de cité, est de forcer les meilleures natures à parvenir à la science suprême, c’est-à-dire la vision du bien, et à l’ascension de cette montée ; et une fois qu’ils sont montés il ne faut pas leur laisser la licence qu’on leur laisse maintenant, à savoir celle de demeurer en haut sans vouloir redescendre parmi les captifs et prendre part aux peines et aux honneurs plus ou moins méprisables qui y existent. [Au-delà des gunas.] La loi ne s’intéresse pas à la réussite exceptionnelle d’une catégorie de citoyens, mais à établir, et par la persuasion et par la contrainte, une harmonie entre les citoyens selon la capacité de chacun à servir le bien commun. La loi a produit de tels hommes dans la cité non pour que chacun se tourne et s’en aille où il veut, mais pour se servir d’eux en vue du lien qui unit la cité. Nous ne faisons pas d’injustice à ceux qui sont devenus philosophes dans notre ville, nous leur dirons des paroles justes. « Nous vous avons produits afin que vous soyez pour vous-mêmes et vos concitoyens comme les chefs et les rois dans la ruche. Nous vous avons élevés mieux et plus parfaitement que les autres, nous vous avons rendus aptes à l’un et l’autre mode de vie. Vous devez donc redescendre, chacun de vous à son tour, dans la demeure commune à tous, et vous accoutumer à regarder dans les