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Page:Weil - La Source grecque, 1953.djvu/126

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alors il finit par savoir ce qu’est le beau … Songeons à ce que c’est que de voir le beau lui-même, intact, pur, non pas plein (souillé) de chairs humaines et de couleurs et de toute cette niaiserie mortelle, mais le beau divin lui-même, à l’essence unique, si on pouvait le voir !… [Celui qui le peut…] ayant touché la vérité, engendrant et nourrissant en lui-même une vertu vraie, deviendra ami de Dieu et immortel autant qu’il est donné à l’homme…[1] »

« En cette affaire, la nature humaine ne peut guère trouver de meilleur auxiliaire que l’Amour (ἔρως). C’est pourquoi je dis que tout homme doit honorer l’Amour[2]. »


Ce beau absolu, divin, dont la contemplation rend ami de Dieu, c’est la beauté de Dieu, c’est Dieu sous l’attribut de la beauté. Ce n’est pas encore l’aboutissement ; cela correspond donc à l’être dans la République (le Verbe).

Il ne s’agit pas d’une idée générale de la beauté. Il s’agit de tout autre chose. Quelque chose qui est objet d’amour, de désir, quelque chose qui est éternellement réel. On y parvient en découvrant peu à peu que ce qui fait la beauté, ce ne sont pas les attraits charnels, mais l’harmonie, et en cherchant avec amour cette harmonie en toutes choses.


Ce passage du Banquet nous indique ce qui suit la géométrie et l’astronomie dans la voie indiquée par la République. C’est la considération de la beauté de ces sciences ; et de cette beauté on passe au bien.

La recherche de la perfection est la voie du Banquet.

Platon a placé la voie indiquée par la République sous le patronage de Prométhée. Il ne nomme pas particulièrement de divinité à propos de la voie indiquée dans le Phèdre ; mais il se sert constamment et avec une insistance tout à fait évidente de termes qui appartiennent spécifiquement à la terminologie

  1. Banquet, 210 e-212 a.
  2. Banquet, 212 b.