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Page:Weil - La Source grecque, 1953.djvu/44

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dédain, aucun homme n’est placé au dessus ou au dessous de la condition commune à tous les hommes, tout ce qui est détruit est regretté. Vainqueurs et vaincus sont également proches, sont au même titre les semblables du poète et de l’auditeur. S’il y a une différence, c’est que le malheur des ennemis est peut-être ressenti plus douloureusement.


Ainsi il tomba là, endormi par un sommeil d’airain,
Le malheureux, loin de son épouse, en défendant les siens


Quel accent pour évoquer le sort de l’adolescent vendu par Achille à Lemnos !


Onze jours il réjouit son cœur parmi ceux qu’il aimait,
Revenant de Lemnos ; le douzième de nouveau
Aux mains d’Achille Dieu l’a livré, lui qui devait
L’envoyer chez Hadès, quoiqu’il ne voulût pas partir.


Et le sort d’Euphorbe, celui qui n’a vu qu’un seul jour de guerre :


Le sang trempe ses cheveux à ceux des Grâces pareils


Quand on pleure Hector :


gardien des épouses chastes et des petits enfants


ces mots sont assez pour faire apparaître la chasteté souillée par force et les enfants livrés aux armes. La fontaine aux portes de Troie devient un objet de regret poignant, quand Hector la dépasse en courant pour sauver sa vie condamnée :


Là se trouvaient de larges lavoirs, tout auprès,
Beaux, tout en pierre, où les vêtements resplendissants
Étaient lavés par les femmes de Troie et par les filles si belles,
Auparavant, pendant la paix, avant que ne viennent les Achéens.