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Page:Weil - La Source grecque, 1953.djvu/94

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« C’est le soleil que je nommais la progéniture du bien, engendrée par le bien comme une chose analogue à lui-même. Car le bien est dans le monde spirituel (νοητός) à l’esprit (νοῦς) et aux choses spirituelles (νοούμενα), ce qu’est le soleil dans le monde visible à la vue et aux choses qu’on voit.

Quand les yeux ne se tournent pas vers les choses dont la lumière du jour éclaire les couleurs, mais vers celles qui ont comme un éclat nocturne, ils sont émoussés et comme aveugles, comme si la vue claire n’était pas en eux. Toutes les fois qu’ils se tournent vers les choses éclairées par le soleil, ils voient clairement, et il est manifeste que la vue est en eux.

Il en est de même pour l’œil spirituel de l’âme. Toutes les fois qu’il se pose sur une chose dont resplendit la vérité et la réalité, alors il conçoit (ἐνόησε), il connaît et il est manifeste qu’il est esprit. Quand il s’appuie sur ce qui est mélangé de ténèbres, sur ce qui devient et périt, il n’a que des opinions, il est émoussé, il met les opinions sens dessus dessous et il semble qu’il ne soit pas esprit.

Ce qui pour les choses connues est la source de la vérité et pour l’être qui connaît la source de la faculté de connaître, il faut dire que c’est l’idée du bien. Il faut penser qu’elle est l’auteur (αἰτίαν) et de la science et de la vérité en tant qu’objet de connaissance. La connaissance et la vérité sont deux belles choses, mais pour penser correctement il faut regarder l’idée du bien comme étant encore plus belle. On peut avec raison regarder ici-bas la lumière et la vue comme des choses parentes du soleil, mais non pas comme le soleil lui-même. De même on peut regarder avec raison la connaissance et la vérité comme étant choses parentes du bien, mais non pas comme le bien lui-même. Ce qui constitue le bien doit être encore plus honoré.

Mais il faut considérer encore l’image du bien. Le soleil ne fournit pas seulement aux choses visibles la possibilité d’être vues, mais aussi le devenir, l’accroissement et la nourriture, et cela quoique lui-même ne soit pas un devenir. De même pour les choses connaissables, le bien ne leur fournit pas seulement la possibilité d’être