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Page:Weil - Oppression et Liberté, 1955.djvu/183

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EXAMEN CRITIQUE
DES
IDÉES DE RÉVOLUTION ET DE PROGRÈS[1]



Un mot magique, aujourd’hui, semble capable de compenser toutes les souffrances, de satisfaire toutes les inquiétudes, de venger le passé, de remédier aux malheurs présents, de résumer toutes les possibilités d’avenir. C’est le mot de révolution. Il ne date pas d’hier. Il date de plus d’un siècle et demi. Un premier essai d’application, de 1789 à 1793, a donné quelque chose, mais non pas ce qu’on en attendait. Depuis, chaque génération de révolutionnaires se croit, dans sa jeunesse, désignée pour faire la vraie révolution, puis vieillit peu à peu et meurt en reportant ses espérances sur les générations suivantes ; elle ne risque pas d’en recevoir le démenti, puisqu’elle meurt. Ce mot a suscité des dévouements si purs, fait couler à plusieurs reprises un sang si généreux, constitué pour tant de malheureux la seule source du courage de vivre qu’il est presque sacrilège de l’examiner ; tout cela n’empêche pourtant pas que peut-être il ne soit vide de sens. Les martyrs ne remplacent les preuves que pour les prêtres.

  1. Ce texte constitue peut-être une nouvelle rédaction du début des Réflexions sur les causes de la liberté et de l’oppression sociale.